转自唯色博客
“2000名藏人自焚之时……”
44岁的自焚者的四个子女中的三个。(照片:《解放报》菲利普 • 格朗热罗)
3月17日,同仁县(唯色注:藏人称热贡)的一位牧民(唯色注:是农民)自焚。他是四个孩子的父亲。这是近一年来的第29次自焚事件,为抗议中国的镇压、要求西藏的自由而勇敢地牺牲了自己。
作者:法国《解放报》特派记者菲利普 • 格朗热罗(PHILIPPE GRANGEREAU)于同仁县(中国)
同仁县最大的寺院那里突然传来了奇怪的喧嚣声。佛塔前的广场散发着刺鼻的烟味,朝圣者和行人一拥而上。“当我看到冒烟的时候,我马上挤到人群中去看发生了什么事,”同仁县的一个商人多杰(Dorge)说,“惊恐的人们嘶喊着,祈祷着。当我靠近,我看到一个男人躺在地上,燃烧着。”他拿出手机说:“同别人一样,我也拍了照片。”模糊的照片上,一个烧焦的人形躺在地上,周围是黄色和白色的哈达(唯色注:藏人习俗,表示敬意的丝织物)。
3月17日的这个早晨,多杰目睹了这一起也是近一年内发生的第29起藏人自焚事件。“人们并没有试图去灭火,而是向尸体周围抛掷哈达,如同祭祀一样,”他描述着,仍旧哽咽,“没多久,就有传言传播开来,说将会有2000名藏人自焚(唯色注:有传言说是200人),这场祭祀会像是一种神圣的奇迹,西藏最终将获得自由。很多人都对此深信不疑。”
哈达。那一天化作熊熊火焰的人名叫索南达杰。是一位44岁的牧民(原文如此),是四个孩子的父亲。为了养家糊口,他生前在隆务寺做木工。这一家人住在夏卜浪村。这个小村庄坐落于距离隆务寺8英里外的高地,来回往返须格外谨慎小心。自从自焚事件在四川、青海和甘肃的藏区扩散以来,为了阻止记者前往这些地区,道路已被封锁。
自2008年 严重的针对中国的抗议发生之后,严格意义上的西藏——西藏自治区——几乎处于被包围的状态,四年来媒体无法进入。政府以此来阻止信息的传播,减小这些难以 想象的反抗行为的影响,阻止与当地居民联系的西藏流亡政府借题发挥。同仁县也如同西藏其他城市一样,驻扎此地的中国军队日夜巡逻,由汉人与藏人组成的便 衣、警察分区控制街道。所有最近试图来这里的记者都被驱逐,所以最好走近道。
3月17日自焚的索南达杰的妻子和母亲(照片:菲利普 • 格朗热罗)
我们是通过一条小路到达夏卜浪村的。住在这里的600人几乎全都是文盲,两年前才建起第一所学校。11月,政府却在这个不值一提的小村村口建起了一个由县公安局直接控制的监测塔:至少有四个摄像头监视着这里往来的人。而目前,有很多人来到这个村庄。每天,或开车、或乘公共汽车、或步行,来自藏区各地的数百名朝圣者络绎不绝地来悼念这位离去的牧民(原文如此)。在这位英勇献身的烈士那简陋的家里,搭起了一个祭台,人们庄严地陆续走过、致敬。祭台上放着索南达杰的遗像,还有被(当局)排斥的达赖喇嘛的法像和五彩的哈达。
名单。自焚发生几天后(唯色注:是当天下午1点多),同仁县的喇嘛们火葬了索南达杰的尸体。由于火葬仪式上聚集了太多人,当局不得不妥协,没有驱散人群。在他家的院子里,身着藏袍(传统袍子)的妇女们推着四周装饰有彩色布料的大转经筒。一名穿着绛红长袍的僧人和索南达杰的四个6至23岁的儿女,迎接着带有赠礼而来的客人们,村里记账的人将赠礼仔细地记录在册。
来客中即便是最穷的,也带来了茶砖或一包包糌粑。这些现在都堆放在一个木棚里。有的人则送来了甚至多达1200欧元(约合人民币一万元)的捐款,这可是一笔不小的财富。索南达杰的一个孩子双手合十,用藏语嘟哝着说:“阿爸自焚前什么也没有跟我们说,我们完全没想到他会这样做。”那个记账的人用沉重的语调翻译着。他是仅有的几个会说普通话的人。那么索南达杰的家人以他而自豪吗?这个记账的人担忧地看着我们说道:“我们不能直接回答这个问题,但是你们可以猜到我们的回答。”
在 被封锁的藏地,失踪、囚禁、折磨已称为日常生活的一部分,所以任何言行要保持谨慎。但是,这种压迫也前所未有地激起了更多的反抗行为。西藏诗人格桑说:“ 我们是一个有信仰的民族,没有尊严和宗教是无法活下去的。而中国政府践踏了我们拥有的最神圣不可侵犯的事物。”他说,达赖喇嘛拥有强大的威望。写着整个西 藏所有逝者名字的长名单,会不停地通过信使或电邮寄给住在印度的他,希望他能保佑他们。据他说,“他只要读了这些名字,就可以让他们得到解脱。”
在夏卜浪村,为了纪念烈士,一座祭台立在了他家里。(照片:菲利普 • 格朗热罗)
中 国政府指控流亡的达赖喇嘛犯了分裂罪,不停地痛斥达赖喇嘛,并强迫僧人亲笔写下对他们的精神导师的诬蔑之词。当达赖喇嘛批评让汉人大量移居藏区的政策时, 在这周,中国新闻媒体指责他“同纳粹一样残忍”,说他反对汉人殖民的行为“是一场类似于希特勒对犹太人的屠杀”。一位藏人女作家称:“2008年抗议以来肆虐的压迫,从来没有像现在让人难以忍受。”她强调道,两年来,藏语教学已经全面禁止,即使是小学。
一位藏人公务员补充道:“2008年 之前,就像中国政府反复灌输的一样,我们以为我们以前是一个落后的民族,必须要实行汉化来实现进步。而中国政府黑暗的压迫让我们懂得了,从简单的牧民到僧 侣到知识分子都懂得了,中国的目的是要卡住我们的脖子,活生生地抢走我们的西藏。这种对归属感的剥夺,在我们的历史上是前所未有的。”
痛苦。反抗的形式多样。一位女教师说:“我们当中越来越多的人开始注意只使用藏语词汇,并新造了藏语词汇来代替我们使用的汉语词汇。”她提到了一个为反对禁止藏语教学而献身的甘肃省玛曲县的女中学生。3月3日,20岁的才让吉用铁丝将浸满汽油的毯子裹在身上,在县城的菜市场里自焚了。她的痛苦只持续了几分钟。
警 察立刻就包围了市场,没收了所有人的手机并删除了照片。同仁县的一位作家说:“佛教禁止自杀,但在我们都不能自由地从事宗教活动的情况下,自杀是合理的。 这种为了西藏事业付出的最后奉献,让我以自己身为藏人而自豪。”他还说:“达赖喇嘛倡导的非暴力已经进入了藏人的思想中,自焚是在原则范围内最强烈的反抗 形式。”许多藏人强调正相反,自焚并不是一种绝望的表达。诗人格桑明确地说:“在经历了这么多年的痛苦和沮丧之后,这些自焚事件重新给了西藏人民一种难以 置信的希望的感觉。这些牺牲形成了一种共同的意识,唤醒了反抗的意志。”
«Lorsque 2000 Tibétains se seront immolés…»
Trois des quatre enfants du berger de 44 ans qui s'est immolé. (Photo Philippe Grangereau pour Libération)
REPORTAGELe 17 mars, un berger de Tongren, père de 4 enfants, s’est immolé. C’est le 29e suicide par le feu en un an. Rencontre avec ceux qui bravent la répression chinoise et se sacrifient pour un Tibet libre.
Par PHILIPPE GRANGEREAU Envoyé spécial à Tongren (Chine)
De la grande lamasserie de Tongren surgit soudain un étrange tumulte. Une masse désordonnée de pèlerins et de passants se projette vers un parvis balisé de stûpas d’où s’échappe une fumée âcre. «Quand j’ai vu ça, je me suis plongé dans la foule pour voir ce qui se passait,murmure Dorge, un commerçant de Tongren. Des gens bouleversés criaient, d’autres priaient. En m’approchant j’ai vu un homme à terre qui brûlait.»«Comme d’autres, j’ai pris des photos»,dit-il en sortant son téléphone portable. Sur les clichés flous, une forme humaine carbonisée gît au sol, entourée de tissus de soie jaune et blanc.
En ce matin du 17 mars, Dorge assistait à la 29e immolation de Tibétains en l’espace d’un an. «Les gens ne tentaient pas d’éteindre les flammes… mais jetaient des écharpes de cérémonies autour du corps, en signe d’offrande», raconte-t-il, encore suffoqué. «Depuis peu, confie-t-il, il s’est répandu une rumeur à laquelle désormais croient beaucoup de gens. Elle dit que lorsque 2 000 Tibétains se seront immolés, le sacrifice sera tel que, par une sorte de miracle divin, le Tibet deviendra enfin libre.»
Écharpes. L’homme qui ce jour-là s’est transformé en torche vivante s’appelle Sonam Thargyal. C’était un berger de 44 ans, père de quatre enfants, qui effectuait des travaux de menuiserie dans la lamasserie de Tongren pour gagner de quoi nourrir sa famille. Celle-ci vit dans un petit village, Xiabulang, situé sur les hauteurs, à 8 kilomètres de là. Pour s’y rendre, des précautions s’imposent. Depuis que les suicides par le feu se sont généralisés dans les régions tibétaines - tant dans la province du Sichuan que dans celles du Qinghai et du Gansu - les routes sont barrées pour empêcher les journalistes de s’y rendre.
Le Tibet proprement dit - la «Région autonome du Tibet» - est, quant à elle, pratiquement en état de siège depuis le grave soulèvement antichinois de 2008 (1), et inaccessible à la presse depuis quatre ans. Cette technique permet à Pékin d’endiguer l’information et de minimiser la portée de ces inimaginables actes de défiance dont seuls les Tibétains exilés, en contact avec la population locale, se font le relais. Dans Tongren, comme tant d’autres villes tibétaines, une troupe chinoise dressée à l’attaque patrouille jour et nuit, tandis que des escouades de policiers en civil, Chinois et Tibétains, quadrillent les rues. Tous les journalistes qui ont tenté dernièrement de s’y rendre ont été refoulés. Mieux vaut emprunter les chemins de traverse.
L'épouse et la mère de Sonam Thargyal, qui s'est immolé le 17 mars. (Photo P.G.)
On accède à Xiabulang par un sentier. Ce village de 600 âmes est presque entièrement analphabète, car la première école n’a été construite qu’il y a deux ans. En novembre, les autorités ont néanmoins gratifié l’entrée de ce dérisoire village d’un pylône de surveillance directement relié à un commissariat de la ville : pas moins de quatre caméras vidéo scrutent les allées et venues. Il y en a beaucoup en ce moment. En voiture, en bus, à pied même, chaque jour amène un flot ininterrompu de centaines de pèlerins venus de tout le Tibet rendre hommage à la famille du berger immolé. Ils défilent solennellement devant le sanctuaire érigé dans la modeste demeure du martyr. Bien que proscrits, de grands portraits du dalaï-lama, ainsi que des écharpes de cérémonies multicolores, couronnent un petit autel où figure la photo du défunt.
listes. Celui-ci a été incinéré par les lamas de Tongren quelques jours après son acte, au cours d’une cérémonie rassemblant une telle affluence que les autorités ont renoncé à la disperser. Dans la cour de la maison, des femmes en chouba (manteau traditionnel) font tourner de gros moulins à prières munis d’une auréole de tissu multicolore. Un aka (moine) en toge pourpre et les quatre enfants de Sonam Thargyal, âgés de 6 à 23 ans, accueillent les visiteurs qui apportent leur obole, dûment répertoriée dans un cahier par le clerc du village.
Les plus démunis offrent des briques de thé ou des sacs d’orge qui s’entassent dans un hangar en bois. D’autres donnent jusqu’à l’équivalent de 1 200 euros - une petite fortune. «Papa ne nous a rien dit avant de commettre son geste, et rien ne nous donnait à penser qu’il y songeait», marmonne en tibétain l’un des enfants en croisant les mains. Le clerc, un des rares habitants à parler chinois, traduit d’un ton grave. La famille est-elle fière de son sacrifice ? «Nous ne pouvons pas répondre franchement à cette question, mais vous devezvous douter de la réponse», dit le clerc en décochant un regard inquiet.
Dans le Tibet barricadé, où disparitions, emprisonnements et tortures font partie du quotidien, mieux vaut rester circonspect. Mais cette répression stimule aussi, plus que jamais, les actes de défiance. «Nous sommes un peuple de conscience qui ne peut pas vivre sans dignité, sans religion, sous la coupe d’un gouvernement chinois qui insulte ce que nous avons de plus sacré»,dit Kelsang, un poète Tibétain. Le prestige du dalaï-lama est tel, dit-il, que de longues listes portant les noms des défunts de tout le Tibet lui sont constamment envoyées en Inde où il réside, par messager ou par courrier électronique, afin qu’il les bénisse. Selon lui, «le simple fait qu’il lise ces patronymes suffit à les consacrer».
Dans la maison du martyr, à Xiabulang, un sanctuaire a été érigé en son honneur. (Photo P.G.)
De son côté, Pékin, qui accuse le grand lama exilé de «séparatisme»,oblige les moines à renier par écrit leur saint-père - par ailleurs constamment stigmatisé par la propagande. Alors que le dalaï-lama dénonce la politique d’immigration massive de Chinois de souche dans les régions tibétaines, l’agence Chine nouvelle l’accusait cette semaine d’être «aussi cruel que les Nazis» et de préconiser contre les colons chinois un «holocauste similaire à celui d’Hitler contre les Juifs»…«La répression qui sévit depuis les émeutes de 2008 est devenue plus intolérable que jamais»,s’exclame une écrivaine tibétaine en soulignant que, depuis deux ans, l’enseignement en tibétain est proscrit dans toutes les écoles, même pour les enfants de primaire.
«Avant 2008, complète un fonctionnaire tibétain, on pensait, comme nous le répète sans cesse la Chine, que nous étions un peuple arriéré qui devait se siniser pour entrer dans la modernité. La ténébreuse répression chinoise nous a désormais tous fait comprendre, du simple berger aux intellectuels en passant par le clergé, que l’intention des Chinois est de nous couper le cou pour s’emparer mort ou vif de notre Tibet. Cette prise de conscience identitaire est sans précédent dans l’histoire de notre peuple.»
Agonie. La résistance prend de nombreuses formes. «De plus en plus d’entre nous font attention à n’utiliser que des mots tibétains, et à remplacer les mots chinois que nous utilisions auparavant par des mots tibétains nouvellement forgés», dit une enseignante en évoquant le sacrifice d’une lycéenne de Maqu (province du Gansu) qui voulait protester contre l’interdiction de l’enseignement en Tibétain. C’était le 3 mars : Tsering Kyi, 20 ans, s’est recouvert le corps de couvertures imbibées d’essence qu’elle a fixé sur son corps avec du fil de fer, avant de sortir s’immoler sur la place du marché de la ville. Son agonie n’a duré que quelques minutes.
La police a immédiatement bouclé la place et confisqué les téléphones portables de tous les passants pour effacer les clichés du drame. «Le bouddhisme interdit le suicide, souligne un écrivain de Tongren, mais dans une situation où on ne peut même plus pratiquer librement notre religion, l’immolation est justifiée. Ce sacrifice ultime pour la cause tibétaine me rend fière d’être Tibétain.» Il ajoute : «La non-violence prêchée par le dalaï-lama est entrée dans la conscience des Tibétains, et le suicide par le feu est l’expression d’une résistance la plus intense qui soit, tout en restant dans le cadre de ce principe.» Beaucoup de Tibétains soulignent que ces suicides par le feu ne sont pas des gestes de désespoir, bien au contraire. «Après tant d’années de tourment et d’abattement, assure le poète Kelsang, ces immolations ont redonné aux Tibétains un incroyable sentiment d’espérance. Ces sacrifices ont forgé une conscience commune et réveillé une volonté de résistance.»
图为自焚藏人索南达杰生前照片,及自焚后数千藏人僧俗将他隆重火葬的场景。(图片来自Facebook)
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